CAS Rythmes urbains et sécurité : de quoi s’agit-il ? #2 Foules urbaines

CAS Rythmes urbains et sécurité : de quoi s’agit-il ? #2 Foules urbaines

Le Laboratoire de Sociologie Urbaine – LaSUR et iSSUE s’associent pour offrir aux professionnel·le·s qui gravitent autour de la ville au sens large (urbanisme, mobilité, sécurité, travail social, événementiel…) une nouvelle opportunité de formation continue qui démarrera en septembre 2025 : le Certificate of Advanced Studies (CAS) « Rythmes urbains et sécurité – Travailler ensemble face aux enjeux de la cohabitation urbaine ».

Dans le cadre du lancement de cette nouvelle offre, nous organisons des webinaires de présentation sur différents sujets. Celui qui s’est tenu le 4 novembre 2024 portait sur le thème « Foules urbaines ». Il était animé par Pascal Viot, directeur d’iSSUE et coordinateur du CAS, en collaboration avec Luca Pattaroni, Professeur en sociologie urbaine au LaSUR, et Chloé Montavon, doctorante au sein du LaSUR, et peut être visionné ici : https://www.youtube.com/watch?v=QXVBmcYLMIQ

La ville, c’est l’espace public, un lieu où les gens se croisent, se déplacent ou stationnent, et dont la densité varie en fonction des rythmes urbains et événements. Quand les individus sont rassemblés, ils constituent une foule dans laquelle vont émerger des comportements collectifs auxquels sont liés des enjeux de sécurité. Le régime festif a un effet grossissant, laissant voir certains mécanismes qui s’opèrent déjà, à plus petite échelle, en l’absence de manifestations. Il peut ainsi être intéressant d’observer les dispositifs développés lors d’événements pour en envisager l’implémentation dans des contextes plus quotidiens.

Quelle est l’articulation entre la foule et la ville ?

►   Les villes se sont bâties à la croisée des chemins, là où les gens se retrouvaient pour commercer, échanger, travailler. C’est un lieu où des personnes étrangères les unes aux autres se réunissent et vivent ensemble.

►   La foule est le résultat des événements qui rythment la vie des villes (marchés, manifestations, etc.).

Il y a un lien fort et ambigu entre la foule et la ville. La foule, on la recherche car elle participe à la richesse de nos expériences humaines, et en même temps, on la craint car la proximité des corps fait naître des désirs, des peurs, des violences.

Toute l’histoire de la ville et de la civilisation des mœurs a été de savoir comment faire se côtoyer ces personnes, mais aussi comment pacifier leurs émotions, les mettre dans des positions d’indifférence civile, d’inattention polie (ne pas exprimer trop ouvertement sa présence, contrôler ses pulsions) pour éviter que ça bascule vers des émeutes, des paniques, des gestes déplacés. Les événements et manifestations décuplent ces effets, ainsi que les risques et enjeux de sécurité publique.

L’exemple de la cérémonie d’ouverture des JO de Paris

L’un des défis majeurs liés à l’organisation des JO de Paris a été de rendre la ville hospitalière tout en garantissant que l’événement, qui est toujours un débordement, reste dans certaines limites. Dans cette vidéo, on voit une foule qui attend pour accéder à la cérémonie d’ouverture. L’attente est un premier temps important, à la lisière de l’événement et qui va influencer l’expérience globale de l’événement.

@brutofficiel Foule importante en attente pour l’accès à la cérémonie d’ouverture. #paris #paris2024 #olympics ♬ оригинальный звук - Tim VM

On voit que la foule est prête à attendre pour accéder à un événement. Pourquoi ? Parce qu’elle espère vivre des états émotionnels forts (liesse, fête) rendus possibles par la co-présence, le rassemblement. Le tout est de savoir travailler la foule dans ses différents états. La gestion de l’attente nécessite une planification logistique :

►   réfléchir à la capacité des lieux

►   prévoir les couloirs par lesquels les personnes vont passer

►   organiser le contrôle et le filtrage tout en offrant le plus de confort possible

►   limiter l’attente qui – si elle est trop longue – pourrait faire naître des tensions

►   anticiper la distribution d’eau en cas de fortes chaleurs, etc.

►   Tout cela sans rendre impossible la poursuite de la vie quotidienne dans la ville (mobilité, livraisons, déplacement des gens vers leur travail, etc.)

L’exemple des Fêtes de Bayonne

Les Fêtes de Bayonne sont une fête historique qui fait gonfler le nombre d’habitants de la ville de manière exponentielle. Elles mettent cette dernière à l’épreuve sur le plan quantitatif, mais également qualitatif car l’état émotionnel et physique dans lequel se trouvent les participant·e·s est assez éloigné des conventions de l’espace public. Alors qu’il s’agit d’ordinaire d’être poli, de passer inaperçu, la fête va donner lieu à des comportements contraires. On cherche un état d’effervescence, de joie commune et communicative. Naît alors un nouvel art de la régulation s’apparentant à une sorte de climatisation. En d’autres mots, quelles conditions spatiales, matérielles et rythmiques mettre en place pour :

►   maintenir une température élevée – c’est-à-dire accueillir cette liesse sans laquelle la fête ne serait pas réussie

►   tout en évitant la surchauffe – c’est-à-dire en assurant la sécurité et en prévenant le basculement vers la panique ou l’émeute ?

Dans cet exemple, on voit que la sécurité devient une question collective. Le dispositif de coordination implique de nombreux acteurs, professionnels et non professionnels : organisateurs, autorités, acteurs de la prévention, etc. Cela permet de faire émerger un milieu de sécurité qui prend soin des personnes, à mi-chemin entre le laisser faire et la répression, mais dans lequel il est néanmoins important de définir des limites.

►   Il s’agit de prendre soin collectivement tout en contrôlant. On assiste à la mise en place de « safe toki » par les commerçants alors que les forces de l’ordre font preuve d’empathie et de tact. On parle de vigilance distribuée.

►   La solution relève au final beaucoup moins d’un traitement réactif que d’un travail d’anticipation axé sur la prévention, la sensibilisation et une mise en débat sur les limites à poser dans un contexte où celles-ci s’estompent du fait de l’esprit festif et de la consommation d’alcool. Jusqu’où peut-on aller lorsqu’on fait la fête ?

On constate par ailleurs qu’il n’y a pas de lieu unique de rassemblement comme lors d’un concert. Les gens circulent dans la ville. Comment gérer les flux dans ces circonstances de forte densité afin d’offrir une expérience positive et de la sécurité ?

►   L’hybridation des compétences pourrait être une piste, en intégrant par exemple dans la foule des policiers en civil avec pour objectif de favoriser certains comportements sans altérer l’ambiance festive.

L’exemple de la Fête des Lumières – Lyon 2021

La Fête des Lumières se déroule également sur le mode de la déambulation. En 2021, juste après le Covid, la dimension sanitaire est venue s’ajouter à la gestion de la proximité.

On observe, ici aussi, une distribution de la vigilance. On jongle entre l’intelligence collective – qui va définir par exemple des chartes ou des gestes appropriés – et une responsabilité individuelle dans l’application de ces directives, l’idée étant de se diriger vers une culture commune de la fête respectueuse.

Pour approfondir la thématique de la relation entre ville et foule, nous vous recommandons la lecture de cet article, publié fin 2023 dans la revue de sociologie Cairn.info : La foule festive. Le cas des Fêtes de Bayonne

Envie d’en savoir plus sur le Certificate of Advanced Studies Rythmes urbains et sécurité ? Inscriptions et informations ici : https://www.formation-continue-unil-epfl.ch/formation/rythmes-urbains-securite-cas/

Crédit photo : © Théo Cheval
Fêtes de Bayonne : Des milliers de Festayres se rassemblent devant l’Hôtel de Ville pour assister à l’ouverture des Fêtes.